À l’approche du 24 avril, date de commémoration du génocide arménien, la façade du Palais du Pharo s’illumine aux couleurs du drapeau arménien. Plus qu’un geste symbolique, c’est un hommage vibrant qu’adresse la Ville de Marseille à la mémoire des victimes, mais aussi à toute une communauté profondément ancrée dans son histoire et son tissu social. Marseille et l’Arménie partagent bien plus qu’un partenariat : une fraternité forgée dans la douleur, la résilience et l’engagement commun.
Une terre d’accueil historique…
Tout commence en 1915, lorsque l’Empire ottoman orchestre l’un des premiers génocides du XXème siècle, causant la mort de plus d’un million d’Arméniens. En Novembre 1922, Marseille devient la première ville-refuge de France pour ces populations déplacées, fuyant la mort et la persécution. À leur arrivée, les rescapés sont accueillis par une petite colonie de commerçants arméniens déjà présents dans la cité phocéenne depuis la fin du XIXe siècle. Face à l’afflux croissant de réfugiés apatrides, les autorités locales et nationales aménagent des camps militaires désaffectés pour offrir un abri aux plus démunis.
Ce sont alors les premiers jalons d’une communauté qui, loin de rester en marge, s’intègre profondément à la ville. Dans les quartiers, dans les arènes politiques, sur les terrains de sport et même dans les cuisines marseillaises, l’héritage arménien est devenu un pan incontournable de l’identité locale.
Une diaspora au cœur de la cité…
Aujourd’hui, Marseille compte environ 80 000 citoyens d’origine arménienne, soit près d’un habitant sur dix. Le maire Benoît Payan ne manque pas de rappeler que « Marseille ne serait pas Marseille sans l’apport décisif de celles et ceux qui, fuyant le premier génocide du 20ème siècle, ont trouvé refuge dans cette ville ».
Une phrase qui résonne d’autant plus fort depuis le vote, à l’unanimité, le 28 Février dernier, du jumelage entre Marseille et Erevan, capitale de l’Arménie. Une délégation officielle menée par le maire se rendra prochainement en Arménie pour signer ce serment d’amitié. Ce jumelage vient sceller une coopération initiée en 1992, qui n’a cessé de s’approfondir dans les domaines culturels, éducatifs, économiques et humanitaires.
Une solidarité réaffirmée face aux crises…
Ce soutien est d’autant plus crucial dans un contexte géopolitique marqué par les tensions persistantes entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, notamment dans la région du Haut-Karabagh (Artsakh). Depuis 2020, la reprise du conflit a provoqué des drames humains, l’exode de milliers d’Arméniens, la perte de territoires historiques et la destruction de patrimoine culturel.
Face à ces tragédies, Marseille ne reste pas spectatrice. En 2023, Michèle Rubirola, première adjointe au maire, s’est rendue à la frontière de l’Artsakh pour accompagner un convoi humanitaire organisé par le CCAF (Conseil de Coordination des organisations Arméniennes de France). Ce geste témoigne de l’engagement concret et constant de la municipalité aux côtés du peuple arménien.
La Maison Arménienne de la Jeunesse et de la Culture (MAJC) : un pilier communautaire
À Marseille, l’Association de la Maison Arménienne de la Jeunesse et de la Culture (MAJC) joue un rôle essentiel. En plus d’être un lieu de transmission culturelle et mémorielle, elle fédère les énergies autour de causes humanitaires et politiques. Aujourd’hui, la MAJC appelle à la mobilisation générale pour faire face à la crise en Arménie et à la défense de l’Artsakh, en soutenant activement des organisations telles que le Fonds Arménien de France ou l’ASAF.
Elle invite également à dépasser les divisions internes, estimant que « l’heure est à l’union », pour affronter les défis d’un peuple en quête de reconnaissance, de sécurité et de dignité.
Une mémoire vivante, un avenir en commun
Depuis la reconnaissance officielle du génocide arménien par la France en 2001, le devoir de mémoire s’inscrit chaque année dans les rues et les institutions de Marseille. L’exposition « 1922 : l’accueil des Arméniens à Marseille », présentée en 2022 à l’Hôtel de Ville, en est un exemple éloquent.
Mais au-delà du passé, Marseille et l’Arménie partagent un destin tourné vers l’avenir. À travers les jumelages, les échanges artistiques, les projets de coopération universitaire et les initiatives citoyennes, les deux peuples tracent ensemble le chemin d’une solidarité durable.
En illuminant le Palais du Pharo aux couleurs de l’Arménie, Marseille envoie un message fort : celui d’une ville-monde qui n’oublie pas, qui accueille, qui défend les droits, et qui bâtit des ponts au lieu de murs. Le 24 Avril n’est pas seulement une date de commémoration. C’est un rappel que la fraternité est une force. Une force qui, à Marseille, prend des allures de promesse éternelle…